CentralJob:
"Envisagez-vous des partenariats, comme des échanges d'informations
sur le web ? "
Eric Huynh : "
Nous avons des besoins de développement. Pour les assurer, nous pouvons
envisager des partenariats avec des sites d'emploi comme Monster ou CentralJob.
A l'heure actuelle, en terme de sites d'offres d'emploi, ne figure sur
le site anpe.fr que l'adresse de l'APEC, ce n'est pas suffisant, alors
que déjà 75 agences locales ont un accès Internet. Nous envisageons la
création d'une Charte sur ce à quoi s'engagent les sites avec lesquels
nous pourrions conclure un partenariat. L'ANPE apporterait le flux et
les partenaires s'engageraient à respecter cette Charte et établir la
qualité de leurs services. "
CJ. : " Comptez-vous
déposer les CV de l'ANPE sur un autre site ?"
E. H. " L'ANPE
dispose d'une banque de CV très importante, mais les coûts seraient prohibitifs.
Notre Directeur Général, Michel Bernard, a par ailleurs exprimé le souhait
que nous disposions d'une possibilité de déposer son CV sur notre site
d'ici la fin de l'année. "
CJ. : " Et
que pensez-vous que les sites privés puissent apporter à l'ANPE, à l'emploi
et aux demandeurs d'emploi ? "
E.H " Des offres
d'emploi. La loi prévoit que l'ANPE reçoit l'ensemble des offres. En réalité
nous ne tenons qu'une partie du marché. Et c'est justement ce que peuvent
nous apporter les sites privés. D'autre part, ils offrent des services
qualitatifs comme l'aide à la rédaction de CV, de lettre de candidature
ou pour l'utilisation des réseaux relationnels qui ne sont pas encore
présents sur notre site et qui apporteront de toute façon à terme une
approche complémentaire."
CJ. : "
L'État joue un grand rôle en France, que doit-il faire sur Internet ?
"
E.H. : " Le
rôle de l'État est de donner des règles. Elles doivent être des gardes-fous.
L'État veut que l'ANPE joue un rôle important et moteur pour l'emploi
en France. Ce qui est positif. "
CJ. " Vous
êtes soumis au code des marchés publics, cela ne vous empêche-t-il pas
de réagir suffisamment rapidement aux mutations de la nouvelle économie
et d'établir à temps les partenariats nécessaires ? "
E. H. " Il
y a deux choses différentes. Pour ce qui est des marchés publics, il s'agit
de fournisseurs. Pour ce qui est des partenariats, il s'agit de partenaires.
Pour les partenariats, nous en nouons énormément avec un nombre de structures
qui va croissant. Pour ce qui est de la sous-traitance à laquelle nous
faisons beaucoup appel, nous suivons le code des marchés publics. Notre
système fait qu'il existe des délais. Quand M. Jospin nous donne les moyens
pour installer 1000 bornes Internet et équiper chacune de nos agences,
nous devons lancer un appel d'offre européen et donc l'installation commencera
au deuxième semestre 2000. C'est la règle du jeu, elle nous offre l'avantage
d'une visibilité à long terme. "
CJ. " Votre
programme de connexion, annoncé sur votre site, doit-il amener un accès
libre à Internet ou un accès restreint vers un certain nombre de sites
pré-sélectionnés, notamment d'emploi ? "
E. H. " Aujourd'hui
avec 150 postes opérationnels et 1000 en cours d'installation, nous allons
limiter l'accès au site de l'ANPE et aux sites d'emplois partenaires.
Demain, cela pourrait changer, mais pour l'heure, avec 3 postes au maximum
par agence, il y a la queue, nous ne souhaitons pas que les gens s'égarent.
"
CJ. " On
entend beaucoup parler d'Internet comme étant la panacée, est-ce pour
autant un média ouvert à toutes les recherches d'emploi ? "
E.H. " La panacée
? Sur un certain nombre de métiers, c'est très intéressant, et même incontournable.
L'Internet est un outil supplémentaire : il ne fait pas le recrutement.
Toutes les démarches que l'on peut faire sur Internet n'ont qu'un seul
but : obtenir un rendez-vous. C'est le même objectif qu'avec un CV ou
une lettre de motivation. On ne recrute pas sur Internet, on y prend des
contacts.
CJ. " Ne
faut-il pas conseiller aux candidats sur Internet d'y être plus sobre
et plus raisonnable dans leurs prétentions, ne serait-ce que parce que
tout le monde n'est pas équipé également ? "
E.H. " Sans
être recruteur, l'ANPE reçoit 450 courriers par mois sur sa boîte aux
lettres, et nous n'engageons personne autrement que par concours. Je vous
laisse imaginer ce qu'il en est pour des entreprises comme l'Oréal, Danone
ou Mars… En envoyant des e-mails de façon déraisonnée, on tue sa candidature.
Un CV d'un méga-octet n'est même pas lu !
CJ. " Est-ce
que tous les métiers sont égaux devant le média Internet ? Ne risque-t-on
pas de creuser les écarts sociaux ?
E.H. " Parmi
les sites d'emploi, aujourd'hui, c'est l'emploi cadre qui occupe l'espace.
Seul le site de l'ANPE offre des emplois non-cadres en nombre. La raison
en est simple : pour mettre une annonce sur Monster, il faut payer 5000
francs : on ne va pas dépenser 5000 francs pour recruter une caissière,
ce ne serait pas raisonnable. D'autres structures, d'autres modèles économiques
apparaissent sur Internet qui devraient offrir des emplois non-cadres.
Si le dépôt d'offre est gratuit, tout devient possible : le premier à
m'avoir proposé ce concept est le suédois WidEyes, tout n'y est pas gratuit,
mais le dépôt d'annonce l'est. Avec un tel modèle quand le boulanger de
Perros-Guirec cherche un apprenti, certes il peut déposer son annonce
à l'ANPE, mais il va aussi pouvoir déposer son annonce sur un site où
c'est gratuit. Dans tous les cas, il ne dépensera pas 5000 francs pour
déposer son annonce.
" Pour faciliter l'accès
à Internet par l'ANPE, les 1.200 bornes, les 5.000.000 de personnes pouvant
consulter les offres des sites sélectionnés, représentent un flux considérable.
Il est prévu d'attribuer ½ heure par personne soit 16 personnes par borne
et par jour donc plus de 16.000 personnes qui accéderont à Internet par
jour, juste par nous. Ce qui explique notamment pourquoi tant de sites
veulent avoir un lien avec nous.
CJ. " Vous
avez les moyens technologiques de mettre les CV en ligne et pourtant vous
ne souhaitez pas le faire ? "
E.H " Nous
avons, en effet, les moyens technologiques mais cela pose un certain nombre
de problèmes. La base à jour est de 5.000.000 de personnes, elle se réactualise
tous les mois. On pourrait, certes, repartir de 0 gagnant ainsi péniblement
les CV millier par millier tous les mois. Il semble plus logique de partir
de la base de 5.000.000 de CV, qui se réactualise tous les mois et de
la mettre en ligne. La difficulté est de faire coexister des architectures
informatiques très différentes. "
CJ. " Vous
n'êtes pas forcément sur le marché que cherchent les entreprises, vous
fournissez des chômeurs qui ne sont pas toujours adaptés aux besoins des
entreprises. "
E.H. " Il existe
8 catégories de demandeurs d'emploi. La première est celle définie par
le Bureau International du Travail. Parmi ces catégories se trouve la
catégorie 5, celle des gens exerçant une activité. Pour cette catégorie
l'ANPE a développé le concept de candidat. Le candidat est une personne
qui à un moment donné est en recherche active ou passive d'emploi sans
prétendre à rien du côté ASSEDIC. "
CJ. " Ce
qui correspond à nos candidats en veille. "
E.H. " Le fait
de proposer ces candidats aux entreprises permet d'accroître la transparence
du marché du travail et de crédibiliser notre offre. Ces candidats ont
une employabilité indubitable puisqu'ils travaillent déjà ! De plus en
plus, on demande à l'ANPE de ramener au monde du travail des gens en voie
d'exclusion. Pour ce faire, il faut être en mesure de proposer à l 'entreprise
en même temps des personnes à l'employabilité élevée : d'où le concept
de candidat. "
CJ. " L'APEC
fait valoir qu'elle s'interdit de mettre ses CV en ligne car les organismes
paritaires qui la gèrent s'y opposent : on ne peut pas publier des annonces
d'entreprises et débaucher les cadres de ces mêmes entreprises. "
E.H. " Ce n'est
pas notre démarche. Nous ne sommes pas gérés paritairement, nous n'avons
pas ce genre de soucis. Notre préoccupation est de fournir aux entreprises
la base de compétences la plus large possible dont elles ont besoin. Les
candidats nous demandent de mettre leurs CV en ligne, les entreprises
nous demandent des CV en ligne : à partir du moment où tous nos clients
sont d'accord, nous n'avons aucune raison de tergiverser ; mais il faut
le faire efficacement. Maintenant, si nous devons établir un partenariat
global dans ce but, ce sera vraisemblablement avec une entreprise du secteur
public. "
CJ. " Comment
vous adaptez-vous aux mutations des nouveaux métiers ? "
E. H. " Notre
code métier le ROME est difficile à adapter. Mais ce système est largement
répandu en France et a aussi été adopté à l'étranger.
CJ. " Qui
êtes vous et comment êtes vous arrivé à la fonction que vous occupez aujourd'hui
? "
E. H. " Je
suis le Chef de projet Internet de l'ANPE. Je suis de formation Ingénieur
en hydraulique, et j'ai changé d'orientation après avoir travaillé dans
le privé. Pour l'admission à l'ANPE, il y un concours à Bac +4 dont les
matières ne sont pas spécifiques, ce qui permet la coexistence de profils
extrêmement différents au sein de l'établissement, ce qui est une richesse
incontestable. "
Interview réalisée
pour CentralJob.com par Maurice Farcy et Guillaume Ménager.
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